Frida Khalo
Autoportrait à la frontière entre le Mexique et les États-Unis
Œuvre
Technique : peinture à l’huile sur métal
Réalisation : 1931 (inscription sur le tableau) ; 1932
Dimensions : 31 x 35 cm
Conservation : collection de Manuel Reyero, New York
Artiste
Nom de naissance: Magdalena Frida Carmen Kahlo Calderón
Date et lieu de naissance: 6 juillet 1907 à Coyoacán, Mexique
Date et lieu de mort: 13 juillet 1954 à Coyoacán, Mexique
Nationalité: mexicaine
Activité: peintre
Mouvement artistique: influencée par le surréalisme
I. Quelques éléments de biographie
Les parents de Frida Khalo sont d'origine allemande pour son père et sa mère est mexicaine.
Frida Kahlo, dès son plus jeune âge, a baigné dans un métissage culturel qui exerce une profonde influence sur son œuvre.
Atteinte de la poliomyélite à 6 ans, elle boitera jusqu’à la fin de sa vie. À 18 ans, Frida fut victime d'un très grave accident de bus. Sa colonne vertébrale fut brisée sur le coup. Sa longue rééducation (9 mois) dans une clinique l'obligera à se prendre elle-même pour modèle et à faire de l'autoportrait le support privilégié de son expression artistique.
Sur ses 143 œuvres, 55 sont en effet des autoportraits. Cet accident n'aura de cesse d'avoir des répercussions sur la vie de Frida Kahlo puisqu'elle ne pourra jamais avoir d'enfant. Sa vie toute entière sera marquée par la souffrance.
Elle montre ses toiles au célèbre peintre mexicain Diego Rivera. Enthousiasmé, ce dernier l’encourage et fait connaître son travail. Les deux artistes se marient en 1929, divorcent en 1939, puis se remarient en 1941. Suite à son mariage, Frida adhèrera au Parti Communiste. Son engagement en politique sera également marqué par son féminisme.
Au début des années 1930, elle se rend aux États-Unis avec son mari qui a reçu des commandes de fresques. Elle peint alors des tableaux fortement marqués par son engagement politique en faveur de la culture mexicaine (Autoportrait sur la frontière du Mexique et des États-Unis, 1932). Elle a aussi longuement voyagé en Europe dont la France. Elle y a rencontré André Breton, père du surréalisme, et Pablo Picasso, lesquels l'ont fortement influencée.
De son vivant, elle fut plus célèbre aux États-Unis et en Europe que dans son propre pays. Elle ne connaîtra la même notoriété au Mexique qu’après sa mort.
(Source: Universalis)
II. Le contexte de l'œuvre
Ce tableau date de 1931, date à laquelle Frida réside aux Etats-Unis, à Détroit. Elle traverse alors une période très malheureuse car elle vient de faire une fausse couche et se sent délaissée par son mari. Elle éprouve alors une profonde nostalgie pour sa terre d'origine.
III. Analyse de l'œuvre
Ce tableau se compose de trois parties: l'autoportrait proprement dit au centre, la partie mexicaine à gauche et la partie américaine à droite.
L'autoportrait de l'artiste
Description
Frida est au centre dans une attitude rigide, immobile, élégante: robe, gants, collier. Elle tient dans ses mains un drapeau mexicain et une cigarette.
Interprétation
Frida se représente sur le tableau de manière à rendre sensible son mal-être mais aussi à manifester la dignité qu'elle entend conserver dans cette période difficile qu'elle traverse comme en témoignent son regard imperturbable, l'élégance de sa mise ainsi que sa position sur le piédestal : elle semble vouloir dire qu'elle surmonte sa douleur.
Elle entend également donner à voir le conflit intérieur qui la déchire : une des clés de ce tableau est le drapeau mexicain qui souligne son attachement à son pays d'origine et la cigarette qui traduit son désir d'émancipation.
Frida se trouve donc à la croisée de deux mondes: celui traditionnel du Mexique et la culture moderne américaine, caractérisée par le progrès technique et l’essor des libertés individuelles.
Le Mexique, un pays de traditions
Description
On constate d'emblée que la terre occupe une grande partie de l'espace.
Cela montre que le rapport à la nature et à la terre est essentiel dans la culture du pays d'origine de l'artiste, confirmé par l'abondance de plantes exotiques dans la partie basse.
Ce qui imprègne également toute cette partie gauche de l'œuvre, c'est le rapport au divin. Dans la partie haute du tableau, en effet, sont représentées la Lune et le Soleil sous la forme de nuages générateurs de pluies bienfaitrices, une pyramide consacrée aux divinités soit de la Lune soit du Soleil comme à Téotihuacan (1) , une divinité aztèque, une déesse de la fécondité et la tête de mort qui symbolise la célèbre fête de la Toussaint au Mexique.
Interprétation
Frida représente ici un monde qui se caractérise par la survivance de traditions ancestrales, où l'homme vit en harmonie avec la nature et les dieux qui la peuplent. Les racines des plantes symbolisent la cohérence et le caractère harmonieux de ce monde. Les nuages « Soleil » et « Lune », en forme de mains qui se touchent en faisant naître la foudre (Zeus ?), sont un clin d’œil à la fresque du plafond de la chapelle Sixtine, peinte par Michel-Ange: cf. le célèbre détail (2) de la création de l’Homme par Dieu dont l'index joint celui d'Adam sans le toucher.
Les États-Unis, incarnation de la modernité
Description
La partie de droite est l'antithèse de la partie de gauche.
Aux nuages naturels et habités par les dieux s'opposent les nuages de pollution, rejetés par les usines Ford. Aux temples aztèques viennent s'opposer les gratte-ciel, symbolisant l'essor des grandes villes aux États-Unis.
La partie centrale du tableau est, contrairement à la partie de gauche, saturée par des machines symbolisant le progrès technique. L'ampoule est là pour rappeler que l'électricité est à la source de toutes les innovations récentes. On constate par ailleurs que les câbles électriques ont remplacé les racines.
Interprétation
Ici, Frida représente un monde où le contact avec la nature a été oublié. Un monde où le divin n'a plus sa place. Un monde où les gratte-ciel ont remplacé les temples. C'est donc un regard critique que l'artiste porte sur la civilisation du progrès à l'américaine.
On peut cependant se demander si la jonction des câbles électriques avec les racines ne symbolise pas la complémentarité de la tradition et du progrès. D’autant que cette jonction n’est pas sans rappeler le schéma d’une synapse neuronale (3), c’est-à-dire l’espace où, sous l’impulsion du courant électrique parcourant l’axone, des médiateurs chimiques sont libérés pour aller se fixer sur le neurone suivant et faire naître de nouveau un courant électrique !
IV. Conclusion
Frida fait un usage original de l'autoportrait en ce qu'elle ne se contente pas de donner une représentation d'elle-même.
Elle montre que son histoire personnelle est indissociable de l'Histoire universelle et que le conflit qui l'habite n'est que l'écho du choc des cultures qui bouleverse le monde qui l'entoure.
L'autoportrait est donc ici un instrument de réflexion sur le monde.
2. Détail de la création de l'homme
3. Synapse neuronale
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